« La vie consacrée au service de l’Unité des Chrétiens.
50 ans de témoignage d’E.I.I.R.»
St. Niklausen, Suisse – 6-12 juillet 2022
Une cinquantaine de personnes se sont donné rendez-vous à Sankt Niklausen, patrie de Nicolas de Flue, dans le centre de Bethanien, pour la 38e « Rencontre internationale et interconfessionnelle des religieux et religieuses » (EIIR).
Cette année marquait le jubilé de cette association œcuménique qui a changé son nom. Désormais elle s’appelle « Synaxe ». A cette occasion un livre richement illustré a été publié, retraçant son parcours, avec quelques conférences marquantes.
Plan
Introduction : la vie consacrée, un foyer d’unité
A. Messages des Églises
B. Inspirés par Nicolas de Flue, homme de paix et d’unité
C. Bilan des 50 années d’EIIR. Mémoire des fondateurs
1. Mgr Emilianos Timiadis, par Mgr Athénagoras
2. Don Julian Garcia Hernando, par P. Fernando Rodriguez Garrapucho
3. Soeur Minke, par Sœur Pierrette
4. Pasteur Bengt-Thure Molander, par Soeur Bénédicte
5. Patriarche Athenagoras, par Mgr Athenagoras
D. Mémoire des premières communautés
1. Les missionnaires de l’unité, par Agueda Garcia
2. La communauté de Grandchamp, par Sœur Heidi-Elisabeth
3. La Communauté de Pomeyrol, par Sœur Anne-Marie
E. La vie consacrée au service de l’Unité des Chrétiens » : cinq conférences
1. La synodalité de la vie consacrée au service de l’Église une, par P. Hyacinthe Destivelle
2. La fraternité dans la vie consacrée au service de l’unité, par sœur Anne-Emmanuelle
3. La prière dans la vie consacrée au service de l’unité, par Mère Gabriela,
4. Les baptisés consacrés, serviteurs de l’unité des chrétiens, par P. Michel Van Parys,
5. Pour un œcuménisme qui donne l’appétit ! par P. Claude Ducarroz,
F. Célébrer le Jubilé : 50 années. Et maintenant ? Table ronde avec P. Guido Vergauwen, Mgr Job de Telmessos et Past. Jean-Philippe Calame autour de trois questions :
1. Qu’est-ce que nos Églises attendent des consacrés sur le chemin œcuménique ?
2. Quels sont les défis face au chemin œcuménique dont on fait l’expérience dans l’EIIR ? Comment mieux répondre au désir d’unité de l’Esprit saint ?
3. Comment transmettre l’expérience de l’EIIR à de nouvelles générations ?
G. Les rencontres de Lectio divina
1. Marie, modèle de vie consacrée et d’unité
1.1. L’Annonciation, par P. Rolf Zumthurm
1.2. La Visitation, par Past. Martin Hoegger
1.3. Marie femme d’unité aux noces de Cana, par Irina Brandt
2. Autres méditations bibliques
2.1. L’Alliance, présupposé de l’unité, par Past. Jean-Philippe Calame
2.2. Guérir de l’indifférence, par P. Michel Van Parys
2.3. À la racine de la foi : l’humilité, par Mgr Athénagoras
2.4. Le sens de la liturgie orthodoxe, par Mgr Job de Telmessos
H. Découverte de trois communautés
1. La communauté de Grandchamp, par Sœur Heidi-Élisabeth
2. La communauté des Dominicaines de Béthanie, par Sœur Anna-Benedicta
3. La communauté du Chemin Neuf, par Sœur Christa et alii
I. Nouvelles
J. « Synaxe », le nouveau nom de l’association
Conclusion sous forme d’envoi
Introduction : la vie consacrée, un foyer d’unité
Mgr Athénagoras, archevêque orthodoxe du Bénélux (Patriarcat œcuménique) et président de l’EIIR, ouvre cette rencontre en disant qu’un anniversaire en appelle d’autres : l’enfant grandit année après année. Il en va de même de cette association. La noble quête de l’unité des chrétiens n’est pas achevée.
Introduisant le thème de la rencontre sur la contribution de la vie consacrée à l’unité, il affirme que celle-ci est un foyer d’unité, car elle met au centre le Christ. Pas de place pour des demi-mesures, le Christ est le seul foyer d’unité ! Mais cette unité n’est pas repliée sur elle-même, elle s’ouvre sur le monde.
Citant le Pape François, il affirme que « la vie religieuse a sans nul doute une vocation particulière dans la promotion de l’unité chrétienne ». Les communautés sont en effet des lieux privilégiés de rencontre entre chrétiens. La vie consacrée nous rappelle qu’avant tout il y a la conversion au cœur de l’œcuménisme…pas d’unité sans la prière que les communautés vivent.
C’est humblement que nous devons prier, et ce n’est pas simple : « Heureux ceux qui ont faim et soif de l’Unité car ils seront réunis », dit le sous-titre du livre du Jubilé
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- Messages des Églises
Quelques messages sont ensuite lus. D’abord celui de la Fédération luthérienne mondiale, par la plume de sa secrétaire générale, Anne Burghard. Elle souligne que la vie consacrée est au service de l’unité parce qu’elle est d’abord une vie consacrée à la prière qui est la source de toute unité et de toute action. Elle insiste aussi sur l’urgence de la mission de réconciliation des chrétiens dans une Europe divisée par la guerre.
Le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, écrit que les rencontres de l’EIIR sont un élément important de l’œcuménisme spirituel qui est l’âme de tout œcuménisme (selon le Concile Vatican II). Le « Vade-mecum œcuménique » dit aussi que la vie religieuse a une vocation particulière de promouvoir l’unité, et favorise l’échange des dons entre chrétiens.
Il propose des jumelages entre monastères de différentes confessions, cela réaliserait le « monastère invisible » désiré par le Père Couturier.
Pour le Patriarche Bartholomée, l’état monastique représente la donation totale à Dieu. C’est dans les monastères qu’est conservé l’idéal des premiers chrétiens. Ils sont un soutien dans les moments de peine. L’on y découvre l’humilité, l’obéissance, la beauté de la liberté ascétique, l’abandon à la Providence. Ils sont aussi un pont entre l’Orient et l’Occident et élèvent une protestation contre des chemins de sécularisation dans l’Église.
La première journée se termine par l’office des Complies. Le passage des Écritures appelle à ne pas attrister le Saint Esprit, mais à être pleins de générosité et de tendresse, en nous pardonnant les uns les autres comme Dieu nous a pardonnés en Christ (Eph 4,30-32).
Un intense moment de silence spontané a suivi la fin de la prière, témoignant de notre désir de réjouir l’Esprit saint ! Au cœur de la vie communautaire se trouve en effet la vie dans l’Esprit, la générosité et surtout le pardon !
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- Inspirés par Nicolas de Flue, homme de paix et d’unité
Sankt Niklausen se trouve à un jet de pierre de la vallée du Ranft, lieu de l’ermitage où Nicolas de Flue a passé trente années de jeûne et de prière, au 15e siècle.
« Le Royaume de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson ; il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Romains 14,17) avons-nous lu lors d’une prière du matin. Cette parole se trouve sur le tombeau de « frère Nicolas » à Sachseln et résume son message : son chemin de simplicité et de justice conduit à la paix et la joie.
Sœur Diane, de la Communauté du Chemin neuf, nous dit combien sa communauté est portée par le charisme d’unité et de paix de leur voisin.
« Qu’inspirés par frère Nicolas, les peuples d’Europe trouvent un chemin de paix » ! Tel a été le souhait de Mme Jenny Donno, qui nous introduit à la spiritualité de ce saint homme, au Ranft.
Son rayonnement a commencé de son temps, où il a contribué à la paix de la Confédération helvétique, c’est pourquoi il est considéré comme le patron de la Suisse pour les catholiques. Et pour les protestants il a pavé le chemin vers la Réforme.
Sa caractéristique la plus remarquable est sa recherche de Dieu. Ses expériences mystiques, en particulier ses rêves et visions, nous disent son chemin intérieur.
Lorsque les villes de la Confédération se sont déchirées à cause des guerres de Bourgogne et l’admission de nouvelles villes, Nicolas donna un conseil dont le fruit a été le « Convenant de Stans » lequel a maintenu l’unité du pays.
Nicolas a invité au respect, à l’écoute mutuelle, à l’obéissance, à être prêt à renoncer à ses droits et surtout à chercher la paix en Dieu. Bonté, dialogue et bienveillance constituent les présupposés pour construire la paix.
Un résumé de son message peut se lire dans la lettre qu’il a écrite aux bourgeois de Berne :
« Obéir est le plus grand honneur qui soit au ciel et sur la terre. Appliquez-vous donc à être obéissant les uns envers les autres. La sagesse est le trésor le plus précieux qui soit, parce qu’elle permet d’entreprendre au mieux toutes choses. La paix se trouve toujours en Dieu car Dieu est la paix, et cette paix ne peut être détruite. La discorde enfin sera détruite. Veillez donc à chercher avant tout la paix »
Nicolas nous appelle surtout à la paix intérieure, sans laquelle il n’y a pas d’unité dans la communauté. « Suivons son exemple pour devenir ouvrier de paix. Nous devons chercher la lumière divine et la transmettre aux autres et nous souvenir de notre origine divine », conclut Jenny Donno, en nous laissant la prière d’abandon à Dieu de frère Nicolas :
« Mon Seigneur et mon Dieu, enlève-moi tout ce qui m’éloigne de toi.
Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me rapproche de toi.
Mon Seigneur et mon Dieu, enlève-moi à moi-même, et donne-moi tout à toi »
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- Bilan des 50 années d’EIIR. Mémoire des fondateurs
- Mgr Emilianos Timiadis
Mgr Athénagoras présente la vie et l’œuvre du cofondateur des EIIR, avec Don Julian Garcia Hernando. Il résume en une phrase l’impression qu’il lui a laissé : « Il était un véritable père pour tous ».
Vicaire général du métropolite Germanos, pionnier de l’œcuménisme orthodoxe, à Londres (Ce dernier a été l’auteur de la fameuse Encyclique sur la koinonia des Églises, en 1920),
Mgr Emilianos a ensuite été envoyé en Belgique. À Anvers, il mit en place une pastorale œcuménique des marins grecs et créa une plateforme œcuménique qui se réunissait chez lui. En 1959 il fut nommé représentant permanent du Patriarcat œcuménique auprès du COE jusqu’en 1995. C’est grâce à son entregent que le patriarcat de Moscou fut introduit au COE, en 1961.
Il a vécu une grande partie de sa retraite à la communauté de Bose en Italie du Nord et est décédé dans le monastère d’Aigion en Grèce.
Mgr Emilianos était une personne pleine d’originalité. Toute sa pensée était fondée sur la vie du Christ et la méditation des Évangiles. Il aimait lire particulièrement les Pères syriens.
Il pratiquait la simplicité évangélique, savait se rendre utile à ceux qu’il croisait, était engagé dans l’action sociale, le combat contre la pauvreté et la faim. Avec sa mère il a même aidé les prostituées d’Anvers.
Partisan de la réception régulière de la communion, il n’aimait pas les pompes orthodoxes et leur rigidité, ni la passivité du peuple durant la liturgie. Il insistait sur la co-responsabilité de tous les baptisés revêtus de la prêtrise royale.
Pour lui, seul l’amour inconditionnel de Dieu donné par l’Esprit peut restaurer l’unité des chrétiens. Après chaque rencontre de l’EIIR, le lien avec Don Hernando se renforçait. La question qui l’habitait était de redonner du sens à notre société oublieuse ses racines : comment vivre en Christ et en communion avec le créateur.
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- Don Julian Garcia Hernando
Le P. Fernando Rodriguez Garrapucho, professeur d’œcuménisme à l’université de Salamanque, insiste sur le fait qu’avant même le Concile Vatican II, le co-fondateur de l’EIIR a eu l’intuition de promouvoir l’œcuménisme, « une initiative héroïque. L’œcuménisme est une passion, m’a-t-il dit. Je m’en souviendrai toujours ».
L’œuvre de sa vie a été la création des « Missionnaires de l’unité » en 1962, toujours actifs en Espagne et en Amérique latine. Avec le décret sur l’œcuménisme du Concile, Unitatis redintegratio, il a approfondi cette passion pour l’unité.
Il a présidé alors le secrétariat national de l’œcuménisme jusqu’en 1999, organisé les journées nationales d’œcuménisme et a été co-secrétaire du comité interconfessionnel. En outre il a fondé l’Association internationale des chrétiens pour l’unité.
En 1972, il a initié un centre de formation œcuménique et formé plusieurs centaines d’étudiants. Il s’est soucié aussi de la pastorale des foyers mixtes et a participé à de nombreuses assemblées œcuméniques, d’Uppsala (1968) à Saint Jacques de Compostelle (1993).
Sa rencontre avec Mgr Emilianos a été déterminante. Le fruit en a été la création de « Encuentro International e Interconfesional de Religiosas y de Religiosos », où il s’est généreusement engagé et où il a lié de profondes amitiés avec des chrétiens d’autres confessions. L’importance de la vie religieuse pour l’unité chrétienne est alors devenue une priorité.
Dès lors il s’est soucié que l’oecuménisme spirituel soit présent dans les monastères : « l’unité est le but de l’oecuménisme, la prière en est le chemin, et la source est l’Esprit saint », aimait-il dire.
Pour P. Fernando, Don Hernando est un exemple de la créativité quand l’Esprit saint guide nos vies. Il a été un vrai créateur et était convaincu que la réalité n’est pas seulement ce qui existe, mais ce qui peut exister à travers notre action.
« N’aie pas peur, lui a-t-il dit. Nous sommes toujours dans la main de Dieu si nous faisons tout pour lui ».
Il a été un des piliers de l’œcuménisme espagnol. Que sa mémoire soit être honorée dans toutes les confessions !
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- Sœur Minke
Sœur Pierrette, ancienne prieure de la communauté de Grandchamp, présente celle qui l’a précédée : Sœur Minke. D’origine hollandaise elle a été marquée par l’expérience concrète de la réconciliation dans sa famille. Ce vécu l’a rendue toujours plus sensible au pardon mutuel, comme l’expérience de la guerre l’ouvrira à celle de la réconciliation entre les peuples.
En 1953 elle fait une expérience décisive de Dieu. Elle découvre la prière pour l’unité des chrétiens. Deux ans plus tard elle vient à Grandchamp pour la première fois, où elle revient en 1958 pour en devenir membre. « Le Christ seul » lui dira mère Geneviève quand le découragement la guette. Une parole forte qui la marque pour la vie !
Elle était habitée par le regard de compassion du Christ sur les foules. Dans les premières années elle vit beaucoup en fraternité : elle travaille en usine à Paris, y rencontre Madeleine Delbrêl, découvre la liturgie orthodoxe à l’Institut Saint Serge. En Algérie, elle partage le quotidien des musulmans dans un bidonville. Au Liban, s’ouvrant à la diversité des Églises, les sœurs se lient particulièrement à des monastères et avec le futur métropolite Georges Khodr. Puis elle est envoyée à Jérusalem.
En 1970, le ministère d’unité lui est confié : c’était un temps délicat où la communauté cherchait l’équilibre entre les retraites spirituelles et la vie dans les fraternités. Elle restera prieure 30 ans.
L’essentiel pour elle était l’écoute de la Parole de Dieu à travers la Lectio divina et l’enracinement dans la règle de Taizé, adoptée par Grandchamp dès 1953.
Pour elle, la communauté est « l’œuvre de Dieu », un terme qui lui était cher pour désigner la communauté pour qu’elle puisse devenir toujours plus un lieu de prière, de réconciliation et de communion. La vocation d’unité est en effet inscrite dans la chair de Grandchamp dès les débuts, comme une grâce et un appel. Elle s’est élargie avec le Concile de Vatican II qui a été un grand souffle d’espérance dans les communautés religieuses, suscitant des rencontres œcuméniques entre elles, des visites comme celle de Don Hernando avec les missionnaires de l’unité en 1969. Cette visite conduira à la première rencontre à Grandchamp en 1970 de ce qui deviendra l’EIIR.
Sœur Minke a alors participé à plusieurs groupes œcuméniques. Elle a voulu aussi être présente aux événements d’Église, aux assemblées du COE et d’autres organisations, en y participant elle-même ou en y envoyant des sœurs.
Elle était aussi persuadée que l’unité est un don de Dieu et vient de l’intérieur (de la présence du Christ en nous), et que la recherche de l’unité devait s’élargir non seulement à l’Église universelle, mais aussi au judaïsme et aux différentes traditions religieuses. La réconciliation devait s’étendre à tous les peuples jusqu’à embrasser tout le créé…jusqu’à ce que Dieu soit tout en tous.
Sa participation au Synode sur la vie consacrée en 1994 l’a marquée, comme l’invitation du pape Jean-Paul II à écrire les méditations du Chemin de croix, pour le Vendredi saint de l’année suivante. Pour elle la vie consacrée, avec son chemin d’unification intérieure et dans les relations, est un des chemins les plus sûrs vers l’unité.
« Pour être crédibles, il faut chercher l’unité en nous et entre nous », ces mots de frère Roger, sœur Minke aimait souvent les répéter. La vie religieuse n’est-elle pas dans son essence et ses fondements, œcuménique ? Prier pour et travailler à cette communion d’amour que Dieu veut pour toute l’humanité.
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- Pasteur Bengt-Thure Molander
Suédois d’origine, né à Paris, vivement touché par le souffle œcuménique, le pasteur Molander a été secrétaire général du département de la jeunesse au COE. « Il était un citoyen du monde, un homme de vision et d’espérance », dit Sœur Bénédicte, de la communauté des Diaconnesses de Reuilly.
Molander a compris le grand enrichissement que le mouvement communautaire pouvait apporter au protestantisme. Il a visité nombre de monastères catholiques, après l’ouverture de leurs portes, suite à Vatican II. Il a aussi été directeur d’une institution de diaconesses à Uppsala, tout en restant en contact avec les communautés en France et, en particulier avec l’EIIR.
Il n’a cessé de construire de ponts entres les Églises, partageant sa foi et encourageant par ses conseils.
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5. Patriarche Athenagoras
Mgr Athenagoras parcourt les étapes de la vie de ce grand artisan d’unité. Comment ce byzantin né en Épire, dans l’empire ottoman a-t-il pu devenir cet artisan ? Une première réponse est que dans son village les enfants chrétiens et musulmans vivaient et jouaient ensemble et participaient aux fêtes religieuses. Une expérience de cohabitation pacifique qui l’a marqué !
Des lectures l’ouvrent aussi aux autres confessions, alors que ses professeurs à Halki n’en parlaient jamais. Il comprit qu’une période de redécouverte réciproque allait commencer.
Comme diacre puis prêtre à Monastiri, il aimait visiter les familles et ne faisait pas de distinction : tous les peuples sont bons, chacun doit être considéré et a besoin d’amour, disait-il. Au cœur de sa vie spirituelle, l’amour – mot clé chez lui – pour la simplicité.
Après ce temps il demeura six mois sur le mont Athos, mais il sentit que Dieu l’appelait à une autre forme de monachisme, celui de l’amour actif, plutôt que de la prière pure.
Une visite de délégués de la Commission de Foi et Constitution l’ouvrit au mouvement œcuménique naissant. Il visita alors S. Nectaire dont il a reçu la bénédiction pour s’engager dans ce mouvement. Ce dernier entretenait d’ailleurs une correspondance avec des membres d’autres confessions.
Après avoir été métropolite de Corfou, il sera archevêque d’Amérique où il fonda un institut de théologie et, entre autres, permit l’usage de l’orgue (comme à Corfou). Il veilla à susciter des vocations locales.
Le 1er novembre 1948 il est élu patriarche œcuménique. L’élection du Pape Jean XXIII conduisit au Concile Vatican II et à un dialogue entre Rome et Constantinople.
Athenagoras reste connu surtout pour sa rencontre avec le pape Paul VI à Jérusalem en janvier 1964. Mgr Emilianos y a participé avec beaucoup d’émotion. En 1965 les deux patriarches se mirent d’accord pour lever les excommunications réciproques de 1054 entre Rome et Constantinople.
Quel beau signe : le baiser de paix symbolisait une communion de l’amour : « va d’abord te réconcilier avec ton frère » ! C’est la page de l’Évangile qu’ils ont vécu. La photo de cette accolade fit le tour du monde.
« Sans un retour à la religion de l’amour et du pardon, la paix ne pourra pas régner », disait-il avec conviction. A nous d’entrer dans la troisième période de l’Église, marquée par la réconciliation et l’unité !
- Mémoire des premières communautés
- Les missionnaires de l’unité
Sœur Agueda Garcia se souvient comme si c’était hier de la retraite à la communauté de Pomeyrol en 1969, où le Père Hernando avec quelques « Missionnaires de l’unité » avaient rencontré ces sœurs protestantes de la Provence. « Il sentait que Dieu lui demandait de les mettre en contact avec les autres religieuses catholiques, anglicanes, orthodoxes et protestantes pour qu’elles se sentent accompagnées et fortifiées dans leur consécration au Seigneur ».
Après la retraite à Pomeyrol, le P. Hernando a visité Mgr E. Timiadis au Conseil œcuménique des Églises à Genève et les sœurs de Grandchamp. Les deux ont alors reçu la conviction de créer l’EIIR. Les Missionnaires pour l’unité ont également senti que Dieu les appelait, avec leur fondateur, à emprunter « un chemin œcuménique totalement impensable en ces moments-là ». Un chemin que Dieu a préparé dans sa grâce surprenante en vue du bien de toute l’humanité.
Sœur Agueda ne peut non plus oublier les paroles que le P. Hernando a prononcées lors de la première rencontre des EIIR en août 1970 à Grandchamp : « Nous sommes ici en train d’expérimenter la vérité des paroles du Psaume : « qu’il est beau et agréable de vivre en frères et sœurs unis ».
Elle a participé à toutes les rencontres de l’association. Durant toutes ces années elle reste confiante que Dieu conduit son Église à travers nos vases fragiles, mais aussi par la grâce de son Esprit. « Nous pouvons savourer ensemble et offrir au monde les nombreuses richesses communes que nous avons grâce à une même consécration au même Seigneur, avec les mêmes vœux ».
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- La communauté de Grandchamp
Sœur Heidi Elisabeth a recueilli des souvenirs des sœurs de Grandchamp concernant les débuts des rencontres de l’EIIR. La première rencontre eut lieu à Grandchamp, du 15 au 20 août 1970. Une sœur qui s’en souvient s’est exclamée : « Tout ce dont je me rappelle c’est que c’était extraordinaire ».
Sœur Minke venait d’être installée comme sœur répondante de la communauté. Elle dit dans une longue interview qui a été publiée sous forme de livre : « Nous avons vécu un temps intense ensemble. La secrétaire générale de l’Union Internationale des Supérieures Générales qui participait à cette rencontre en a été bouleversée. Elle a compris existentiellement ce que pourrait être l’unité des chrétiens en voyant les participants se transformer et s’ouvrir à l’autre réalité confessionnelle ». Chaque journée était ouverte par une liturgie eucharistique : catholique, orthodoxe, anglicane, protestante. Une pratique qui a continué jusqu’à ce jour !
Une deuxième rencontre a eu lieu à Grandchamp en août 1978 sur le thème : « Vie consacrée – mission – unité ». Le pasteur Visser’t Hooft, président d’honneur du COE, y a donné une conférence. En 1996, il y a eu une troisième rencontre à Grandchamp sur le thème « Apport de la vie consacrée pour la nouvelle Europe ». Avec la devise « Ora et Labora », l’appel est de prier et travailler pour la construction du corps du Christ en Europe. Une Europe que les religieux voudraient orienter vers le Père qui répond aux besoins les plus profonds du cœur humain.
Dans un échange entre sœurs qui ont participé à des rencontres EIIR entre 1987 et 2018, celles-ci ont constaté qu’un thème qui est revenu de temps en temps était cette question : comment nous enrichir mutuellement par nos trésors liturgiques et comment faire – ou ne pas faire – un nouveau pas sur le chemin de la réconciliation entre les Églises, en lien avec la communion à l’eucharistie ?
La sœur qui avait participé à la rencontre à Assise en 2014 se souvient d’un appel émouvant du père Syméon juste avant la communion à la Divine Liturgie à ne pas s’habituer à l’anormalité que les participants n’aient pas le droit de communier les un-es chez les autres. Comment alors ouvrir une nouvelle brèche sur ce chemin de l’unité qui nous tient tellement à cœur ?
- La Communauté de Pomeyrol
Sœur Anne-Marie Ziss lit d’abord le message de S. Marthe Elisabeth, prieure de la communauté de Pomeyrol, puis celui que S. Danièle a préparé pour la rencontre de 2020. Message qu’elle n’a pas pu donner puisqu’elle a rejoint le Seigneur en février 2022.
En 1969, le P. Hernando a visité la communauté avec des missionnaires de l’unité. Tous les dimanches les sœurs prient dès lors pour l’unité. Dans la joie et la simplicité une véritable expérience de communion a pu être vécue. « Il suffit d’y croire, c’est Dieu qui fait ». Le Seigneur a béni cette aventure œcuménique initiée par Don Hernando et Mgr Emilianos. La foi peut déplacer des montagnes quand un homme consacre sa vie à l’unité », écrit-elle à leur sujet.
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- « La vie consacrée au service de l’Unité des Chrétiens » : cinq conférences
- La synodalité de la vie consacrée au service de l’Église une
Le P. Hyacinthe Destivelle, du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, apporte la première conférence sur le thème. Comme Mgr Athénagoras, il remarque que le pape François, ainsi que le Vade-mecum œcuménique soulignent le lien entre la vie religieuse et l’unité des chrétiens, tout comme l’importance de l’oecuménisme spirituel.
Il se demande si la vie religieuse a aussi un sens ecclésiologique ? Les formes de synodalité vécues par les religieux ont-elles une contribution à apporter à la recherche de l’unité chrétienne ?
Le cardinal João Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée, a invité les communautés religieuses à apporter leur contribution à la réflexion sur la synodalité.
Plus qu’un mode de gouvernement, la synodalité est un style caractérisant l’ensemble de la vie de l’Église. Quelle est donc la contribution de la vie religieuse à cette dimension essentielle de l’Église ?
Au niveau institutionnel, l’exercice de la synodalité doit être réalisé par « tous, quelques-uns et un », aux divers niveaux locaux, régionaux et universel. Ces dimensions communautaire, collégiale et personnelle sont aussi exercées dans les ordres religieux. Certains estiment même que leur expérience a préparé la démocratie en Occident.
La synodalité implique aussi une culture spirituelle marquée par l’écoute, le dialogue et le discernement.
Pour le pape François, une Église synodale est d’abord une Église qui écoute ce que l’Esprit dit aux Églises à travers la Parole de Dieu. L’écoute de la Parole est au fondement de la vie religieuse, selon la Règle de S. Benoît.
Cette écoute de la Parole va de pair avec l’écoute des frères, autre nom de l’obéissance : « Nous sommes convaincus qu’en écoutant les frères, nous écoutons la voix de Dieu », dit le dominicain Carlos Aspiroz Costa.
Une décision communautaire est prise après un intense dialogue. Le discernement implique une écoute attentive des gémissements de l’Esprit. Le dialogue devrait permettre l’émergence de décisions soutenables par tous. Une telle manière de prendre les décisions est une véritable prédication de l’Évangile dans un monde qui se déchire.
Pour bien discerner, une spiritualité de la fraternité est aussi nécessaire. « Dans la douceur de la vie fraternelle, rechercher la vérité », écrivait Albert le Grand.
En conclusion, H. Destivelle, lui-même dominicain, insiste sur le fait que le « un » n’est jamais solitaire et il note que les trois dimensions institutionnelles de la synodalité – « tous, quelques-uns et un » – se retrouvent aussi aux sources du mouvement œcuménique, puisque selon la première conférence de Foi et Constitution (Lausanne, 1927), celles-ci devraient être présentes dans l’Église réunie.
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Dans le débat qui a suivi cette conférence, on peut retenir que le veto de la communauté par rapport aux décisions du prieur ou d’un collège est possible dans les monastères bénédictins. Chez les Jésuites, une des méthodes du discernement communautaire est la « double circulation des arguments » : toute la communauté dit quels sont les côtés positifs et puis quels sont les aspects négatifs dans la décision à prendre. La prise de décision par consensus pratiquée par Conseil œcuménique des Églises est aussi indiquée comme une méthode de discernement. Enfin les Églises protestantes peuvent aussi se laisser inspirer par la manière dont les monastères prennent leurs décisions.
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- La fraternité dans la vie consacrée au service de l’unité
Pour traiter ce thème, sœur Anne-Emmanuelle, prieure de la Communauté de Grandchamp, lit le récit du lavement des pieds en Jean 13 : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». Tout est dit par cet Évangile ! L’amour vrai ne peut exclure, juger ou refuser d’accueillir. En Jésus mort et ressuscité, nous sommes réconciliés et unifiés. En profondeur nous sommes des êtres de communion, car la communion est la réalité qui nous constitue, puisque nous sommes créés à l’image de Dieu qui est lui-même communion. A nous de laisser l’Esprit faire son œuvre de transformation ! « Nous sommes là à cause du Christ et de l’Évangile », dit la règle de Grandchamp.
Oui, il est possible de s’aimer les unes les autres sans s’être choisies avec toutes nos différences. « Donne aux chrétiens de manifester la communion qui est en toi ! Qu’ils soient un afin que le monde croie » ! disent les sœurs de Grandchamp chaque matin. Si on arrive à vivre ce message prophétique, c’est l’essentiel de la vocation monastique.
C’est aussi une des attentes du pape François dans sa lettre aux consacrés en 2015, où il les encourage à faire grandir l’estime réciproque entre communautés de différentes confessions, en « osant la logique du don ».
Elena Lasida, une théologienne uruguayenne, a visité la communauté de Grandchamp. A la suite de l’interpellation de l’encyclique « Laudato Sii » du pape François, elle estime que les communautés sont des lieux où vivre « le goût de l’autre ».
Après la peur et la division suscitées par les médias au sujet du Coronavirus, par la crise écologique, la révélation des abus, la guerre en Ukraine, comment continuer ?
E. Lasida voit la crise comme « une chance pour réinventer du lien ». Les monastères sont des lieux où vivre cette chance, avec les trois dimensions de la pauvreté, de l’écoute et de l’unité.
La Pauvreté : la mise en commun des biens est prophétique. Elle permet de vivre quelque chose que l’on ne peut vivre seul. La pauvreté signifie surtout partager ce qu’on n’a pas, apprendre l’interdépendance et recevoir ce qui nous manque.
S’il y a peu de vocations dans les monastères, il y a cependant beaucoup de personnes qui gravitent autour d’eux. Ils sont de véritables écosystèmes : il faut donc « oser créer d’autres lieux où se vive déjà la logique évangélique du don, de la fraternité, de l’accueil de la diversité, de l’amour réciproque. »
L’écoute : le premier commandement commence par l’écoute dans l’évangile de Marc. L’écoute est la condition d’un amour vrai. Jésus ne cesse d’appeler à ouvrir l’oreille. La faculté de nous écouter les uns les autres est essentielle. C’est la première chose qu’on demande à un partenaire. Entendre des avis différents est un long apprentissage et un art difficile.
Le dialogue est possible uniquement à travers l’écoute qui implique aussi l’humilité d’être prêt à changer d’avis. Écouter c’est aller visiter le monde l’autre, se mettre à sa place, sans vouloir le saisir. On s’arrête pour s’écouter : il est essentiel de prendre du temps.
Vivre ensemble c’est allier le « je » avec le « nous ». Il faut unifier ces deux réalités : dans le je, il y a la tendance à devenir indépendant, dans le nous, la tendance à devenir dépendant. Il nous faut apprendre l’interdépendance.
L’unité : « élargir l’espace de notre tente et de notre cœur ». Le commandement nouveau de l’amour réciproque doit primer sur tout. Pas d’amitié sans souffrance purificatrice ! Une fois par année la communauté vit la journée du grand pardon, où les sœurs sont appelées à laisser le pardon du Christ circuler entre elles.
« Vivre la parabole de communion est au fond notre unique ministère. C’est une mission de Pentecôte qui est une mission de pardon et de réconciliation », conclut sœur Anne-Emmanuelle. Vivre l’éternel recommencement du pardon, à la source de la mort et de la résurrection du Christ, voici la vocation de la vie consacrée !
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Mgr Séraphin, métropolite de l’Église orthodoxe roumaine, remercie S. Anne-Emmanuelle dont la conférence l’a touché profondément. Dans l’orthodoxie les fidèles aiment les monastères et vont s’y confesser. Le but est de parvenir à un « cœur compatissant » qui englobe toute l’humanité et la création, comme le dit S. Éphrem. « Je sens mon cœur s’élargir en priant », lui a dit une femme illettrée. C’est vraiment le but de la prière.
Concernant la question de la communion eucharistique, il note que la tradition a une mémoire d’éléphant : l’orthodoxie a été marquée par le conservatisme et la fermeture aux autres confessions suite à l’occupation ottomane et le régime soviétique. Mais le cœur de Mgr Séraphin est ouvert à tous les autres chrétiens. Il désire ardemment l’intercommunion, mais il ne peut pas la pratiquer pour ne pas scandaliser certains fidèles de son Église. Il faut souffrir de nos désunions, mais il faut aussi prier et travailler pour cette unité que l’Esprit saint réalisera.
Le pasteur Jean Philippe Calame est émerveillé qu’à Grandchamp on puisse aborder tous les problèmes de la société « avec un cœur qui écoute ». On y trouve un cadre amical qui ouvre à l’écoute de Dieu. Sans cette écoute on s’épuise. Comment, par exemple, porter dans un synode des questions qui ne sont pas résolues : une communauté de prière permet de le faire. On ne peut entrer dans un combat pour le Christ sans le prier. Pour lui, le monastère permet d’apporter à Dieu toutes les questions de ce monde.
Irina Brandt, de confession roumaine orthodoxe, se trouve chez elle à Grandchamp et donne ce témoignage : « Dieu m’y a donné la grâce de souffrir de la division de l’Église, alors que nous sommes insensibles ». Elle a compris que l’unité de l’Église ne sera pas pour maintenant, mais qu’elle peut être en germe en nous, si nous sommes unifiés.
P. Fernando rappelle la célébration de l’an 2000 à Rome où le Pape Jean Paul II et l’archevêque de Cantorbéry sont entrés à genoux par la porte sainte. Cela lui a rappelé la phrase d’Yves Congar : « Par la porte sainte de l’unité, nous n’entrerons qu’à genoux ».
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- La prière dans la vie consacrée au service de l’unité
Mère Gabriela Platon, higoumène du Monastère orthodoxe de Voronets (Roumanie), commence par dire qu’aucun fruit de la vie spirituelle ne saurait être obtenu sans la prière. Elle est la plus grande de toutes nos bonnes actions. Mais dans notre société la majorité ne pratique plus la prière, ou que très rarement.
Jean Climaque voyait en elle « la cause de tous les charismes…le signe de la gloire ». Celui qui prie obtient les fruits de l’Esprit et se protège des œuvres de la chair selon Galates 5,19-23.
Seule la prière permet d’échapper au sentiment de solitude et à la recherche obstinée des biens matériels. La vie monastique est une école de prière. Elle indique le primat de Dieu dans l’existence. Dans la Règle de S. Benoît, la verticalité de la relation à Dieu soutient l’horizontalité de la relation avec le prochain et avec tout le créé, selon la devise « ora et labora ».
Le monastère est le lieu où chacun peut recevoir, puis faire rayonner autour de lui la Parole de Dieu. « Acquérir l’unanimité, une seule âme, un seul esprit, orientés vers Dieu », tel est le but de la vie monastique selon Augustin.
Le thème de la prière de Jean 17 est celui de l’unité de l’Église. Jésus l’a donnée pour nous bien faire comprendre qu’il n’est pas suffisant de parler de l’unité mais qu’il faut la demander dans la prière. C’est parce qu’il sait aussi la difficulté du travail missionnaire, que Jésus appelle à prier pour l’unité dans la mission.
La prière se nourrit de la Parole de Dieu : elle aussi est source de communion. Ainsi le Patriarche Daniel de Roumanie a écrit : « Nous sommes sur le bon chemin si nous savons écouter ensemble les textes de l’Écriture, ces textes que chaque confession comprend à sa manière ; mais nous constatons aussi que non seulement nous avons le Texte en commun, mais aussi maintes interprétations ».
Mère Gabriela a participé à sa première rencontre de l’EIIR à Durau en 1998. Elle a vécu ensuite d’inoubliables rencontres, en particulier à S. Jacques de Compostelle, où la liturgie orthodoxe a été célébrée, suscitant l’admiration de moines catholiques qui l’entendaient pour la première fois.
Elle conclut son riche exposé en montrant une des fresques du monastère de Voronets, où l’on voit les apôtres Pierre et Paul donnant la main aux croyants entrant dans le paradis. « On peut parler ici d’un « esprit de Voronets » qui annonce à ses visiteurs une possible rencontre de tous les chrétiens, « main dans la main » comme Pierre et Paul, pour passer par le seuil de la porte du Paradis vers le Dieu unique. Alors que Dieu nous aide » ! écrit-elle.
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La prière du cœur
Mgr Séraphin remercie mère Gabriella pour son exposé « typiquement orthodoxe », car elle cite les Pères et l’Écriture plus que sa propre expérience.
Pour lui, la caractéristique de l’orthodoxie, c’est de mettre l’accent sur le cœur. L’important est de faire descendre l’intellect dans le cœur. Il faut prier avec le cœur, point de concentration de toutes les énergies. L’homme est un microcosme où se récapitulent toute l’humanité et le cosmos, car c’est Dieu qui y habite. En priant nous en prenons de mieux en mieux conscience. On ne peut entrer dans notre cœur que par la prière ; mais l’homme moderne oublie la prière : il ne peut donc y pénétrer et vit à l’extérieur de son cœur. C’est pourquoi il faut mettre l’accent sur la prière du cœur.
Une vraie prière est celle qui engage le cœur. Il faut aussi beaucoup prier, afin que nous nous habituions à prier et afin de sentir la prière comme une joie, sinon elle nous fatigue, également les offices.
Mgr Séraphin espère un renouvellement spirituel de toutes les Églises, mais la sécularisation de la société rend cela difficile. Toutefois il ne faut pas perdre espoir, car Dieu peut faire des miracles à tout moment. En Roumanie, cette année est consacrée à la prière.
Saint Syméon le nouveau théologien insiste sur l’expérience concrète de la prière : si on ne sent pas la grâce, c’est qu’on ne la met pas en œuvre. Il faut donc travailler avec elle. Sans notre participation, la grâce ne fait rien. Lorsqu’on participe à l’action de la grâce, notre cœur s’ouvre. Il faut donc faire l’effort de la prière : alors la grâce nous transforme. Sinon on n’est pas chrétien, ni prêtre, ni évêque !
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- Les baptisés consacrés, serviteurs de l’unité des chrétiens
Michel Van Parys, ancien abbé du monastère de Chevetogne, voudrait proposer une méditation sur les traces des fondateurs de l’EIIR. Il souligne l’unité profonde entre notre baptême et des charismes particuliers.
Il commence par citer le début du Décret sur l’œcuménisme du Concile Vatican II (Unitatis redintegratio) : « Le Maître des siècles, qui poursuit son dessein de grâce avec sagesse et patience à l’égard des pécheurs que nous sommes, a commencé en ces derniers temps de répandre plus abondamment sur les chrétiens divisés entre eux l’esprit de repentance et le désir de l’union. Très nombreux sont partout les hommes qui ont été touchés par cette grâce et, sous l’effet de la grâce de l’Esprit Saint, est né un mouvement qui s’amplifie de jour en jour chez nos frères séparés en vue de rétablir l’unité de tous les chrétiens ».
Les communautés religieuses sont aussi entrées dans ce mouvement de repentir et de renouveau initié par ce Concile.
La consécration par les vœux monastiques n’est rien d’autre qu’une confirmation du baptême. Le Saint Esprit donne au religieux « de ne rien préférer à l’amour du Christ ». Le centre de cette vocation reste toujours l’immersion dans la mort et la résurrection de Jésus. « Est-ce que ton cœur a brûlé, une fois de ta vie, d’amour pour Jésus », c’est la question que le P. Matta El Meskin, l’abbé du monastère de Saint Macaire en Égypte, posait aux jeunes désirant entrer dans la vie monastique.
« Dilater le cœur », tel est le but du chemin du chrétien, en se laissant conduire par l’Évangile. L’Église est en pèlerinage et s’avance vers son époux. Nous appartenons au même Corps du Christ par notre baptême.
Toute communauté fraternelle est éprouvée et subit des tentations. Cela fait partie de la patience et de la persévérance à laquelle nous sommes appelés. C’est pourquoi nous avons besoin du pardon du Christ chaque jour.
« Les vœux »
Ils nous lient au Christ, nous « enchaînent » à lui. La chasteté est la qualité de toute relation humaine, pas seulement la dimension sexuelle. Les Pères parlent de la « chasteté de l’intelligence », qui est le refus de tout maîtriser. Elle implique l’oblativité : vivre les mains ouvertes en recevant et partageant les dons.
L’obéissance est fondamentalement d’entrer dans l’obéissance de Jésus au Père, selon la Règle de S. Benoît. Elle requiert un franc parler dans la relation au supérieur. Cet échange doit être basé sur la Parole de Dieu
La pauvreté est la désappropriation, c’est-à-dire renoncer au désir d’acquérir. La tentation est de s’entourer de béquilles. L’avoir donne l’illusion de l’être. C’est aussi un renoncement à la mondanité. Aujourd’hui nous perdons beaucoup de temps dans les médias : il faut apprendre à gérer les réseaux sociaux. La vie monastique a un autre rythme que Facebook.
Le chemin de conversion est de reconnaître que nous sommes pécheurs, et ensuite de le croire. Bernard de Clairvaux a écrit un traité sur les degrés de l’humilité les opposant aux degrés de l’orgueil. Est-il possible de monter sur l’échelle de l’humilité ? Il met sa confiance en Jésus qui vient à son secours, mais il s’avoue incapable de décrire les étapes sur cette échelle. Se convertir signifie évangéliser notre cœur. L’Église a besoin d’êtres humains au coeur unifié. Le monde aussi. Les communautés essaient de le faire humblement.
Toute communauté chrétienne doit se souvenir qu’elle est rassemblée autour du Seigneur Jésus par l’Esprit saint. Nous naissons frères et sœurs dans le baptême et avons la vocation de le devenir de plus en plus. Nos frères et soeurs viennent du monde entier, de cultures et d’Églises différentes. En récitant le Notre Père nous sommes obligés de nous pardonner les uns aux autres.
Cela implique aussi de se laisser corriger par les autres, en rendant grâce. Cela est valable aussi pour les communautés et les Églises. La correction fraternelle est une correction ecclésiale. Un des grands fruits des rencontre de l’EIIR est de mieux connaître les autres Églises et de recevoir leurs richesses.
Le moine est « celui qui s’unifie » selon S. Macaire. Il est seul devant Dieu, comme le Christ l’était, lui l’homme unifié par excellence. Comment s’unifier ? En retrouvant l’amour dont nous sommes aimés par le Christ et par lequel nous devons l’aimer. En reconnaissant aussi la multiplicité des dons de l’Esprit, car nous ne pouvons vivre l’Évangile qu’ensemble. Nous avons en effet besoin des dons les uns des autres pour être chrétiens.
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5. Pour un œcuménisme qui donne l’appétit !
Le P. Claude Ducarroz est un prêtre diocésain (Genève, Lausanne, Fribourg) et rencontre avec joie des religieux et leur témoignage d’engagement. Dans son exposé il relate son parcours œcuménique, puis tente de passer au « scanner » l’œcuménisme actuel et de proposer quelques pistes pour l’avenir.
« J’ai été ordonné l’année de la fin du concile qui a changé ma vie, ma théologie et mes relations avec les autres Églises », confie-t-il. Ce qui l’a marqué ? Avant tout l’œcuménisme concret sur le terrain paroissial, puis la pastorale des foyers mixtes, la recherche du groupe des Dombes dont il a été membre, l’œcuménisme biblique, les grandes rencontres œcuméniques qui ont « mis du carburant dans le moteur de l’œcuménisme ».
Voici les résultats de son « scanner » des maladies de l’œcuménisme :
- Dans l’Église catholique des gens continuent à être hostiles à l’oecuménisme. Il faut le reconnaître. Cela existe aussi dans d’autres Églises.
- On est d’accord pour l’œcuménisme en principe, mais on en fait de moins en moins et on le compartimente. Il y a tellement d’autres priorités ! Cela le peine.
- Des foyers mixtes ont cru à l’oecuménisme…peut être un peu naïvement. Ils ont constaté que cela avance très lentement. C. Ducarroz rencontre des déçus et des découragés …voire des désespérés. Le risque de se replier sur son identité ecclésiale étroite ou d’abandonner l’Église est grand.
- Et puis il y a les « post œcuméniques ». Ceux qui se contentent du minimum commun et n’en demandent pas plus.
Mais il existe aussi un oecuménisme qui donne de l’appétit. Ce qui a été construit devrait nous stimuler à aller plus loin. Le prophétisme œcuménique a encore de beaux jours devant lui. Comment donc continuer, se demande-t-il ?
L’oecuménisme est un magnifique chantier où tous ont à recevoir et à offrir, où il y a de la place pour tous les métiers. Sur ce chantier, il y a assez de réalisations pour ne pas être découragé, mais aussi suffisamment de projets pour être stimulé à la tâche.
Les diverses formes d’oecuménisme
C. Ducarroz estime qu’il est aussi nécessaire de progresser dans le rapprochement doctrinal. Certes il y a de belles réalisations, comme le document de Lima, la Charte oecuménique européenne, les accords théologiques, le consensus sur la justification par la foi, la reconnaissance mutuelle sur le baptême en Suisse. Mais pourquoi ne pas allumer la mèche sur d’autres thèmes ? Il a l’impression que les théologiens sont un peu paresseux et il a envie de secouer le cocotier !
L’œcuménisme spirituel est essentiel. « Quand je veux rencontrer des pasteurs je vais dans les monastères ! Cela montre une recherche spirituelle. »
C Ducarroz plaide aussi pour d’avantage d’initiatives d’évangélisation en commun. Cela devient urgent dans un monde qui s’éloigne des Églises : « Soyons ensemble pour annoncer l’Évangile dans son minimum vital » !
Les rencontres autour de la Parole de Dieu l’enthousiasment. La Parole est un cadeau égal pour tous. L’Église catholique a beaucoup progressé en lui donnant une place centrale, mais elle pourrait être plus gourmande à sa table.
Enfin il faut continuer à se retrouver dans des diaconies communes, auprès des nécessiteux et souffrants de la société, des marginaux désemparés et des réfugiés. Oui, cela nous unit d’être ensemble pour d’autres que nous.
« J’appelle à ne pas céder à la dépression œcuménique. La solution n’est pas dans le repliement sur soi. Si je suis dans la peine, je la partage avec d’autres qui sont aussi en peine. Et c’est un premier pas vers la joie ».
Que l’on s’invite donc, conclut-il ! Il faut provoquer des rencontres et des fêtes communes. On a besoin d’être en fête, même quand on est dans la peine. La peine ne doit pas nous empêcher d’inviter nos voisins.
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Dans le temps de dialogue, la question de la réception du travail théologique est discutée. Comment sortir des placards les documents que les théologiens produisent ? Sont-ils lus par les évêques ? Par exemple, quelles conséquences tirer du consensus sur la justification par la foi ?
Quelle est aussi la réception par les théologiens de ce qui se vit dans le peuple de Dieu. Quid de « la réception ascendante » qui prend au sérieux la vie locale ? Par exemple, comment reçoit-on l’expérience de l’eucharistie vécue par les groupes de foyers interconfessionnels ?
On note aussi la démarche pleine de promesse du Forum chrétien mondial, avec le partage des itinéraires de foi où l’on raconte comment on a rencontré le Christ. De même « l’œcuménisme réceptif » pose la question : « Qu’est-ce qui manque dans ma tradition et que puis-je recevoir de l’autre tradition » ? Nous avons besoin d’outils œcuméniques simples, sans un jargon qui étouffe l’Esprit.
D’autre part on souligne aussi l’importance de la communication : pas de communion sans communication ! Aujourd’hui les résultats des dialogues doivent être publiés sur internet sinon ils sont ignorés.
Tous s’accordent sur le fait que le manque du désir d’unité est le plus grand problème œcuménique. Pour avancer vers l’unité, il faut une vision. Il faut aussi se rencontrer. Avec la rencontre vient le désir de se rapprocher. Alors multiplions les rencontres !
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- Célébrer le Jubilé : 50 années. Et maintenant ?
Une Table ronde réunit le Père Guido Vergauwen, op (catholique), l’Archevêque Job de Telmessos (orthodoxe), et le Pasteur Jean-Philippe Calame (protestant), autour de trois questions.
Qu’est-ce que nos Églises attendent des consacrés sur le chemin œcuménique ?
P. Guido : Quand Saint Thomas parle de la vie religieuse, il distingue la vie active de la vie contemplative. Les deux sont au service de l’Église. En ce qui concerne les contemplatifs, ce sont des personnes libres. La source de leur liberté est la contemplation de la vérité divine. Mais à cause de cette liberté, elles sont obligées de prendre soin des autres, en particulier du salut de leur âme. Voici ce que l’Église attend d’eux : qu’ils transmettent le salut comme message de vérité, selon la pluralité des charismes.
Mgr Job : les monastères sont considérés comme les témoins de la vérité de l’orthodoxie, et les modèles de l’Église – avec les dangers que cela représente. Par exemple le mont Athos n’est pas le lieu le plus œcuménique de l’orthodoxie ! Certains monastères sont même parfois en opposition avec la hiérarchie locale. Néanmoins ils peuvent être un vecteur de l’œcuménisme.
Mgr Job donne quelques exemples : les apophtegmes des Pères du désert ont été traduits dans plusieurs langues et ont eu un rayonnement pour tous les chrétiens, comme la Philocalie et les Récits du pèlerin russe. De même la figure et les écrits de S. Silouane : une association œcuménique se réclamant de son héritage a été fondée et contribue au rapprochement des Églises. On voit aussi l’influence de l’orthodoxie à Taizé, Grandchamp, Chevetogne et Bose. Une présence monastique orthodoxe a même été vécue à Taizé pendant quelques années.
Past. Jean-Philippe : Pendant quatre siècles il n’y a pas eu de monastères dans le monde protestant. Peu de protestants les connaissent donc. Mais pour ceux qui découvrent cette réalité, que peuvent attendre les réformés d’un monastère ? D’abord un lieu où la foi se vit de manière radicale, où on peut faire l’expérience de la proximité de Dieu, car on y rencontre des personnes qui ont donné leur vie à Dieu. Ce sont aussi des lieux où l’on peut prendre du recul par rapport à l’hyperactivité inquiète des paroisses. On y expérimente un autre mode de vie, contre-culture face à la course aux acquisitions, découverte de la simplicité.
Peu de jeunes comprennent la question de l’unité. Les questions sont plutôt : est-ce que Dieu existe ? Qui peut m’aider à découvrir Jésus et à le prier ? La question de l’unité s’adresse à ceux qui ont déjà fait un chemin de vie chrétienne. Les monastères deviennent alors des lieux d’amitié où ces questions peuvent être reprises.
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Quels sont les défis face au chemin œcuménique dont on fait l’expérience dans l’EIIR ? Comment mieux répondre au désir d’unité de l’Esprit saint ?
P. Guido : l’œcuménisme est un effort permanent de la vie de l’Église, à savoir retrouver l’unité sans supprimer la diversité des dons. Dans « Vraies et fausses réformes dans l’Église » – à son avis un des livres les plus importants sur l’œcuménisme – Yves Congar formule quatre défis. Le premier est celui de la primauté de la charité et du pastorat. Il ne faut pas que l’œcuménisme devienne un système. L’Église est un donné révélé vivant. Il s’agit avant tout de nous perfectionner dans l’Église qui est une grâce. Le deuxième est de rester dans la communion de l’ensemble, de garder la catholicité (la communion de l’ensemble). Le troisième est d’avoir beaucoup de patience et d’éviter des mises en demeure et des exclusions. Le dernier est qu’un vrai renouvellement ne peut se faire qu’avec un retour à la source et à la tradition. Il faut être ancré dans nos traditions pour pouvoir avancer. Les nouveautés ne doivent pas être une adaptation à d’autres modèles de vie ou introduites par des chemins administratifs.
Mgr Job : un premier défi est celui de la sécularisation. Elle est la cause du manque de vocations. Les jeunes qui viennent dans les facultés de théologie n’ont plus la culture religieuse de jadis, ni l’expérience de l’Église. L’attraction de la vie monastique est beaucoup moins grande. Mais la sécularisation est aussi une opportunité. Un exemple : au temps du patriarche Athénagoras, le mont Athos était en décadence, on parlait d’en faire un musée. Or il y eut un renouveau spirituel extraordinaire qui a attiré beaucoup de jeunes. Job emmène souvent des jeunes à Taizé. Ils lui disent que ce qui les attire est l’expérience du silence et la fidélité à l’Évangile, dans la simplicité
Un autre défi est la confusion entre tradition et traditionalisme. Malheureusement le monastère peut se figer en traditionalisme. Or la connaissance de la véritable tradition de l’Église nous rapproche les uns des autres. Il faut s’y attacher…et non pas à un clone de la tradition.
Le troisième défi est le provincialisme. Saint Jérôme de Simonos-Petra, du Mont Athos, été exilé à Athènes. La raison majeure de son rejet est que les moines venaient d’autres régions que lui. Le nationalisme, l’ethno-phylétisme, l’autosuffisance, le repli sur soi sont problématiques. Nous devons garder l’esprit d’ouverture, d’œcuménicité et d’universalisme.
Le pasteur Jean-Philippe souligne aussi l’importance de la patience. La grande question de certains paroissiens engagés est comment nourrir leur patience. Ils ne comprennent plus pourquoi ils ne peuvent pas partager le corps et le sang du Christ alors qu’ils assument quantité de choses ensemble, dans la diaconie (aumôneries diverses), la formation, la catéchèse, la prière, etc… Mais on peut renouveler leur intérêt en les engageant dans un effort de réception du travail œcuménique fait ces dernières années.
Pour avancer, il pose trois questions : Quels trésors propres à notre tradition devons-nous davantage partager ? Quels trésors des autres traditions devons-nous connaître davantage et assimiler ? Quelles manières concrètes nous permettent un partage effectif des dons ? (Retraites ensemble, échanges avec des témoins particuliers…)
Dans le dialogue qui a suivi cette question, le P. Michel Van Parys souligne l’importance de la patience pour l’unité. Après l’encyclique du Vatican Mortalium Animos (1928), qui interdisait tout travail œcuménique, l’Esprit saint a fait des choses extraordinaires. Dieu donne le centuple à ceux qui sont patients, comme le P. Couturier et le monastère de Chevetogne.
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Comment transmettre l’expérience de l’EIIR à de nouvelles générations ?
P. Guido : son expérience vient des milieux universitaires. Un mot clé est donc « formation, formation et encore formation », par exemple travailler l’ecclésiologie et le sens des sacrements.
Il voit trois formes d’œcuménisme : avant tout un oecuménisme spirituel de la prière, issu d’une écoute commune de la Parole de Dieu, comme la lectio divina. Il faut aussi mettre en commun les expériences vécues avec la Parole.
Puis un oecuménisme de l’agir commun. Enfin un oecuménisme de la vérité qui se vit dans un dialogue patient. Le Pape François a écrit : « L’unité des chrétiens ne sera pas le fruit de discussions théoriques raffinées…Le Fils de l’homme viendra et nous trouvera encore en discussion ! … Nous avons besoin les des autres, de nous rencontrer dans l’Esprit saint …qui réconcilie les diversités ».
Pour Mgr Job l’EIIR a besoin d’un rajeunissement et d’un élargissement. La véritable tradition est la transmission de notre expérience aux générations futures. Il faut amener avec soi d’autres personnes plus jeunes. Ne faisons pas la confusion entre institution et personne : il faut envoyer aux rencontres de l’EIIR des plus jeunes de son institution. Ce ne sont pas nos personnes qui comptent d’abord, mais la communauté à laquelle on appartient. Il retient aussi l’idée de jumelage entre communautés de diverses.
Le Past. Jean-Philippe souligne encore un point : le souci de promouvoir le mouvement qui va du peuple de Dieu vers ceux qui, cœur de l’Église, ont la responsabilité de l’unité. Comment les grâces de communion reçues par des Communautés ou groupes de fidèles peuvent-elles être objet d’une réception de la part de autorités ? Il faut communiquer dans un langage simple (forme du récit, par exemple) ce qui est vécu sur le terrain comme exaucements à la prière pour l’unité des chrétiens.
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- Les rencontres de Lectio divina
Trois membres du comité de l’École de la Parole en Suisse romande ont animé trois temps de Lectio divina de notre rencontre : Irina Brandt, théologienne orthodoxe, Rolf Zumthurm, prêtre catholique et président de l’École de la Parole et Martin Hoegger, pasteur réformé.
Ils ont proposé trois textes sur Marie, à partir du livret sur Marie de l’École de la Parole.
L’École de la Parole en Suisse romande
L’aventure a commencé il y a 30 ans. En 1992, quelques responsables de jeunesse de diverses Églises de Suisse romande et le directeur de la Société biblique suisse ont visité le cardinal Martini, archevêque de Milan qui avait lancé une École de la Parole pour les jeunes. Puis ils ont emmené une centaine de jeunes pour participer à une rencontre de la « Scuola della Parola » dans la Basilique milanaise de S. Ambroise. Constatant l’enthousiasme des jeunes, ils décidèrent de lancer une École de la Parole œcuménique en Suisse romande. En 1994 a eu lieu la première École de la Parole dans la cathédrale de Lausanne bondée, avec trois quarts de jeunes.
Dès lors chaque année un livret a été publié. Il est actuellement envoyé aux ministres des Églises catholiques, protestantes, orthodoxes et évangéliques de Suisse romande. Les membres du comité de l’École de la Parole sont issus de ces diverses Églises. Une trentaine de groupes œcuméniques utilisent actuellement ce matériel.
De manière très résumée, l’École de la Parole invite les participants à vivre les trois étapes fondamentales de la Lectio divina : lire, méditer et prier à partir du texte biblique. Lire répond à la question « que dit le texte ». Méditer, c’est chercher à faire le lien entre le texte et la vie: « que me dit le texte. Prier, c’est répondre au Christ qui nous parle à travers le texte.
La Lectio divina n’est pas avant tout une étude biblique, mais une rencontre avec le Christ vivant à travers Sa Parole. C’est pourquoi nous aimons mettre l’icône du Christ ressuscité à côté de la Bible.
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- Marie, modèle de vie consacrée et d’unité
Marie est modèle de vie consacrée et d’unité parce qu’elle vit la Parole de Dieu qu’elle ne cesse de méditer.
Il est bon de revenir ensemble aux textes qui parlent d’elle. Marie est, d’une certaine manière un modèle de la pratique de la Lectio divina, puisque les textes la présentent comme celle qui médite en son cœur la Parole et qui la vit.
Par sa proximité avec Jésus, elle est celle dont parle le livre du Deutéronome : « Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. » Elle sait aussi, mieux que tous, que « la parole du Seigneur est vérité…plus désirable que l’or fin et le miel qui coule des rayons » (Psaume 19). Marie est celle qui, la première, à répondu à son appel de « faire tout ce qu’il dit ». (Jean 2,2)
Marie est aussi modèle de la vie consacrée. Les religieuses et les religieux suivent son chemin de communion avec le Christ, elle qui n’a fait que vivre avec lui durant les trente de vie cachée à Nazareth.
Y a-t-il eu un foyer d’unité entre le ciel et la terre plus beau que celui-ci ? Plus on est proche du Christ, plus on est proche les uns des autres. Et qui a été plus proche de Jésus que Marie ? La consécration de Marie à son Fils – qui s’est lui-même entièrement consacré à son Père – est source d’unité.
Enfin Marie peut aussi être modèle pour chaque disciple du Christ. Toutes les étapes de sa vie, excepté sa maternité divine, peuvent, en quelque sorte, devenir les étapes de notre vie spirituelle.
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1.1. L’Annonciation (Rolf Zumthurm)
Le 6e mois rappelle la grossesse d’Élisabeth, mère de Jean Baptiste, lequel renvoie à l’histoire d’Israël. La mention de David et l’invitation à se réjouir sont aussi des points d’accrochage avec l’Ancien Testament. On est ici au sommet de l’histoire d’Israël, comme un fruit qui s’ouvre.
La mention de l’ange Gabriel indique que, quoi qu’il arrive, c’est toujours Dieu qui prend l’initiative. Le Christ est un pur cadeau fait à l’humanité par Dieu. Nous n’avons pas inventé le Sauveur. Nous le recevons.
« Une jeune fille » : La gratuité du don est signifiée dans le corps de cette femme. La sexualité n’est pas déniée. La conception virginale de Jésus indique qu’il n’est pas un produit humain particulièrement bien conçu, mais un cadeau du Dieu Trinitaire. C’est un Dieu « super riche en amour » qui réalise cela. Afin que nous soyons émerveillés par cette venue si délicate et mystérieuse !
« Tu as la faveur de Dieu » (v. 28) En Orient on a considéré que Marie est toute sainte, débordante de la grâce de Dieu. En Occident, on a cherché ici la racine du dogme de l’Immaculée Conception. Le protestantisme, lui, met l’accent sur la grâce de Dieu agissante en Marie : « Sola gratia » ! Pas de mérite en Marie !
Marie est une femme qui offre à Dieu sa sensibilité. Elle reste elle-même. Elle n’est pas moins femme pour devenir la mère du Messie. Elle pose des questions et l’Esprit qui la visite respecte son questionnement. Dieu vient à nous à travers un dialogue pleinement humain. Quand il frappe à la porte, il attend et n’enfonce pas. Il est profondément respectueux du corps et de l’esprit de cette femme.
Nazareth : comment se fait-il que Dieu n’ait pas choisi Jérusalem mais une obscure bourgade ? Jésus est envoyé d’abord à la campagne avant d’aller à la capitale. Il y rencontre le petit peuple. Nazareth fait partie de cette logique d’universalité. Dieu entre par la porte de service, pas par la porte principale. C’est la « courtoisie de Dieu » (George Steiner).
L’incarnation se vit dans la délicatesse, la sensibilité, dans le destin d’une femme intelligente, humble et respectée.
« Je suis la servante du Seigneur » (v. 38) Nous sommes tous des enfants de ce « oui » de Marie, suspendus à lui. Caché derrière le « majeur » qu’est le don de Dieu en Jésus, il y a, en « mineur », le petit oui de Marie. Nous sommes cachés en elle.
Seigneur, quels mots peuvent dire ce mystère ?
Tu as été avec Abraham et Moïse.
Mais avec Marie, il y a plus :
Toi-même, tu deviens « Emmanuel », « Dieu avec nous »
qui se mêle à jamais à notre pâte humaine
pour l’assumer et la transfigurer !
Comme Marie, tu nous appelles aussi.
Comme elle et les prophètes avant elle
nous pouvons avoir un moment d’hésitation.
Alors, donne-nous chaque jour de te redire :
« oui » avec confiance
pour que tu naisses et renaisses en nous ;
« oui » avec amour
pour que toute peur soit bannie de nos cœurs ;
« oui » avec espérance
pour que s’ouvre une aventure extraordinaire.
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1.2. La Visitation (Martin Hoegger)
Quand Dieu habite une personne, il la met en route. Habitée par le Fils de Dieu, Marie part visiter Élisabeth. Cette présence l’envoie en hâte.
Ce texte fait le lien avec Jean-Baptiste. La place de chacun et leur relation est montrée. Voici une rencontre extraordinaire entre deux femmes enceintes, où Jésus et Jean-Baptiste se situent. C’est la rencontre de deux mères qui va préparer la rencontre des deux fils.
On voit aussi comment le Saint Esprit est à l’œuvre. C’est un autre acteur de ce récit. Les mères deviennent les porte-paroles des enfants muets en leur sein.
J’imagine que Marie a rencontré le sourire de l’ange lui annonçant une très bonne nouvelle. Je pense à l’ange au sourire de la cathédrale de Reims. Elle communique maintenant à Elisabeth ce sourire de Dieu à jamais sur son visage.
Bénir quelqu’un c’est lui transmettre le sourire de Dieu. Ainsi dans notre sourire, nous pouvons aussi exprimer la bénédiction de Dieu.
Dans cette scène si vive et touchante se trouve, en germe, l’Église, peuple du sourire du Christ présent en nous et au milieu de nous.
Comme elle est belle, cette rencontre entre deux femmes ! Elle souligne l’importance de la relation personnelle, qui fait rayonner l’Évangile. Nous avons ici un petit traité de la rencontre : Marie en prend l’initiative, car elle ne peut cacher le grand mystère qui l’habite.
Mais en visitant sa cousine, elle lui laisse d’abord un espace. Ce n’est qu’ensuite qu’elle partage ce qui l’habite en chantant son Magnificat. Toute vraie rencontre respecte un espace de liberté.
Marie ne garde pas pour elle ce qu’elle reçoit de Dieu, mais le partage. Ce qu’on garde on le perd. Ce qu’on donne, on le multiplie. C’est ainsi que la joie entre dans le monde : par contagion, par cercles concentriques, comme lorsqu’on jette un caillou dans l’eau…
Si je rencontre le sourire de ton ange,
donne-moi, Seigneur, de le communiquer,
comme Marie l’a fait pour Elisabeth !
Donne-moi de prendre l’initiative de la rencontre
pour visiter l’autre et te présenter à lui !
Donne-moi de me mettre à son service en l’écoutant
et en l’aidant concrètement !
Ainsi nous vivrons le secret de ton Église,
peuple où tu habites et nous fais tressaillir de joie,
peuple de la relation vive où la liberté est chantée.
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1.3. Marie femme d’unité aux noces de Cana (Irina Brandt)
Dans la péricope des noces de Cana il a deux plans de vie concrets.
Le premier est celui de Marie, la mère de Jésus. Elle participe à des noces et le texte nous dit que : « le troisième jour il y eut une noce à Cana et la mère de Jésus était là. »
Comment la Mère de Jésus vit-elle sa réalité concrète à Cana ?
Étant elle-même une personne intérieurement unifiée, elle veille et elle est à l’écoute de ceux qui l’entourent. Ainsi dès qu’un problème surgit, elle est là et s’en soucie.
Que fait-elle ?
Comme une mère, femme d’action, elle s’adresse tout de suite à la personne dans laquelle elle a le plus confiance, la personne qui lui est la plus proche, à Jésus et elle ne fait ni plus ni moins que de lui exposer ce problème pratique : « Il n’ont plus du vin ».
La réponse de Jésus nous introduit dans le deuxième plan de ce récit. C’est le plan de vie concret de Jésus, c’est-à-dire celui qui le concerne tout spécialement : l’accomplissement des noces messianiques qui célèbrent l’Alliance entre Dieu et l’humanité, comme les prophètes l’ont annoncé depuis des siècles. Jésus qui est l’Époux des noces messianiques sait que l’heure où sera donné le vin de vie n’est pas maintenant mais sur la croix.
La réponse de Jésus à Marie est donc : « Quoi entre toi et moi, femme, mon heure n’est pas encore venue ? »
Quant à Marie, elle se tient du côté de la condition humaine. Elle veut sauver le mariage de Cana. Sans savoir comment, elle manifeste sa confiance en disant aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira ». Alors, Jésus intervient pour que la fête de Cana puisse s’accomplir. Et ce faisant, il manifeste un premier signe de l’accomplissement à venir des noces messianiques.
Ainsi, grâce à Marie, les noces de Cana deviennent le cadre où se manifeste un premier signe des noces du Royaume. Dieu fait ce don pour tout le monde, grâce à elle.
C’est parce qu’il y a là quelqu’un qui veut faire quelque chose de très concret pour les invités au mariage que Dieu peut intervenir.
Dans notre vie spirituelle, il y a toujours deux niveaux. Il y a le niveau de notre besoin particulier, limité, dans lequel nous pouvons faire l’expérience du niveau de la vie du Royaume. Quand nous accueillons dans notre concret particulier la vie du Royaume, donnée pour tous, alors cette vie donnée de Dieu devient visible là où nous nous trouvons et nous permet en retour de participer à cette vie de Dieu qui nous dépasse complètement.
Aux noces de Cana, Marie, comme une mère attentive au besoin particulier de l’autre, fait le lien avec cette vie divine à accueillir et qui change tout.
Dans notre spiritualité orthodoxe, la mère de Dieu nous aide à faire à notre tour ce lien d’unité intérieure entre nous et Dieu.
Comme Marie,
nous voulons nous encourager
à accomplir ce que tu nous dis, Seigneur.
Ta Parole est à vivre : vivifie-la en nous !
Ta Volonté est à faire : aide-nous à la discerner !
Dans les manques et les abandons
que nous avons à traverser,
ranime en nous la confiance !
Tu as éprouvé nos soifs sur ta croix :
que toujours nous regardions vers toi !
Tu es le Ressuscité parmi nous :
que jamais nous n’en doutions !
Tu promets la joie du vin nouveau :
qu’aujourd’hui nous la goûtions !
Viens bientôt, Seigneur Jésus-Christ !
Prépare-nous à la fête de ta rencontre !
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- Autres méditations bibliques
2.1. L’Alliance, présupposé de l’unité
Le pasteur Jean-Philippe Calame médite sur Osée 14,2-10 et Matthieu 10,2-10. Ces deux textes parlent des relations les plus profondes, celles dans la famille : mais elles sont perturbées. Ils parlent aussi de confiance mal placée : avec qui faisons-nous alliance ? Avec les Assyriens ou avec le Seigneur ? L’alliance avec le Seigneur assainit toutes les autres relations. Il faut nous laisser réconcilier avec Dieu.
L’unité entre les humains ne peut advenir ou subsister que par l’alliance avec le Seigneur. Il faut donc revenir au Seigneur, comme y appelle Osée, et non multiplier les alliances avec les puissants. Ceux-ci se retourneront un jour contre nous. « Tu es notre Dieu, car de toi seul vient la tendresse ».
C’est au cœur de relations perturbées que la réconciliation en Jésus va se frayer un chemin. Pour aller vers la réconciliation visible cela demande de la prudence, celle du serpent qui tâte le terrain et patiente jusqu’au moment favorable. Il faut aussi la douceur de la colombe dont l’intention est pure.
Les divisions sont telles que seule la Parole de Dieu peut en venir à bout. La question d’Osée demeure : « qui est assez sage pour comprendre ces choses » ? Laissons-nous réconcilier avec Dieu pour qu’il puisse encore et comme il veut nous envoyer !
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2.2. Guérir de l’indifférence
La Messe du samedi soir est présidée par le P. Michel Van Parys qui médite la parabole du bon Samaritain.
Jésus reconnaît la justesse de la réponse du scribe qui a associé deux textes de la Torah. La question « qui est mon prochain » est un grand débat : est-ce seulement mon frère et ma sœur juifs ? Ou toutes les nations bénies en Abraham ? On connaît la réponse de Dieu à Jonas : il a pitié des Ninivites qui symbolisent les nations.
Cette parabole souligne aussi le problème de l’indifférence. L’indifférence par rapport aux migrants, aux victimes de la guerre, au climat…Mais aussi l’indifférence par rapport à la désunion des Églises. P. Michel appelle à ne pas être indifférents ni insensibles à la division et aux blessures du Corps du Christ.
La tradition chrétienne a vu Jésus dans le bon Samaritain, celui qui nous sauve et nous conduit à l’auberge du Père. Mais il est possible de voir Jésus en l’homme blessé, le serviteur souffrant d’Isaïe 53 frappé à mort.
Comment écoutons-nous et acceptons-nous la Parole de Jésus. Quelles sont les excuses que nous avons ? Si nous voulons guérir de notre insensibilité, nous avons à apprendre l’action de grâce.
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2.3. À la racine de la foi : l’humilité
Mgr Athénagoras commente l’Évangile du dimanche : le récit de guérison du serviteur du centurion (Mat 8,5-13). Jésus connaît le cœur du centurion quelle que soit son orientation religieuse. Que voit le Christ quand il examine notre cœur ?
La réponse du centurion suscite l’étonnement du Christ. La plus grande chose sur terre est la foi, c’est pourquoi il s’est émerveillé : il a découvert une foi plus grande que les plus religieux en Israël Pourquoi ? Parce que le centurion était humble.
La leçon pour nous est qu’à la racine de la foi se trouve l’humilité. « Un homme humble n’est jamais pressé ni perturbé… il est silencieux. Nous avons à apprendre l’humilité du Seigneur qui est doux et humble de cœur » (Isaac le Syrien).
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2.4. Le sens de la liturgie orthodoxe
Mgr Job de Telmessos introduit à la divine liturgie orthodoxe qui a lieu dimanche 10 juillet, dans la chapelle de Bethanien. Chaque liturgie a un mouvement ascendant et descendant. Elle est divine car c’est avant tout Dieu qui agit.
Elle commence par une grande procession, avec des chants. A l’origine c’était la communauté qui entrait dans l’Église pour aller à la rencontre de Dieu et écouter sa Parole. Puis vient le chant du Trisagion. L’assemblée monte vers Dieu et s’associe à la liturgie céleste.
Le mouvement descendant, c’est la venue du Verbe de Dieu qui nous parle. La deuxième partie, la liturgie eucharistique, commence aussi par une procession, « la grande entrée » avec les dons eucharistiques. Pendant le transfert des dons l’hymne des chérubins est chanté, où l’assemblée est appelée à déposer tout souci de ce monde.
Puis la récitation du credo : la confession de foi est un présupposé pour communier à l’eucharistie. Commence ensuite la prière eucharistique qui se compose d’une commémoration de la création, du mystère du salut, des paroles de la cène et d’une épiclèse où l’on demande à l’Esprit saint de descendre sur l’assemblée et les dons pour les transformer en corps et sang du Christ.
La prière se termine par une intercession pour les saints vivants et morts.
Ensuite les prières de préparation à recevoir la communion et le Notre Père. Après la communion a lieu l’action de grâce pour l’eucharistie, le renvoi des fidèles et la bénédiction pour tout ce qui nous attend dans le monde : notre mission et notre diaconie pour le salut de l’humanité.
Mgr Job rappelle que chaque fidèle peut recevoir l’antidoron (le pain béni) à la fin de la liturgie, mais, pour le moment seuls les orthodoxes qui s’y sont préparés peuvent recevoir la communion.
La liturgie de S. Jean Chrysostome sur internet : voir https://www.pagesorthodoxes.net/liturgie/chrysostome1.htm
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- Découverte de trois communautés
- La communauté de Grandchamp
Sœur Anne-Emmanuelle, prieure de la communauté, raconte son origine. Quelques femmes de Suisse romande font l’expérience de retraites à Grandchamp, un hameau au bord du lac de Neuchâtel, dans l’entre-deux guerres. Elles sont persuadées que seule l’écoute de la Parole de Dieu, à l’image du Christ qui se retirait pour prier, permet la réconciliation. Le thème de la première retraite est « Dieu est amour ». C’est une expérience nouvelle dans une Église de la Réforme. Peu après, elles comprennent qu’une communauté permanente doit s’établir en ce lieu. La première sœur, Marguerite, est rejointe par deux autres, puis par Geneviève Micheli, une veuve qui deviendra la première prieure de la communauté.
L’ADN de la communauté est dès le début le mystère pascal : mort et résurrection du Christ. Au commencement elles étaient dépourvues de tout. Elles sont donc allées à la recherche des richesses de vie communautaire dans d’autres Églises. Cette pauvreté les a contraintes à s’ouvrir aux autres.
D’origine française, très cultivée et de famille interconfessionnelle, Geneviève a su donner une impulsion à la communauté naissante. Pour elle, la prière pour l’unité selon Jean 17,21 était essentielle : « Donner sa vie pour l’unité dans le Christ, par le Christ… jusqu’au jour où Dieu sera tout en tous ». Cette vocation de la communauté à l’unité n’était pas un choix, mais un don.
De nombreux contacts avec des communautés anglicanes, orthodoxes et catholiques sont alors noués. La rencontre avec l’abbé Paul Couturier fut décisive. En 1940, il écrit à la communauté : « Aucune retraite spirituelle ne devrait avoir lieu sans que les chrétiens n’en sortent avec la souffrance vive des séparations et décidés à travailler à l’Unité par la prière ardente, la purification progressive ». Il souligne l’importance des communautés pour unifier la vie.
Une autre rencontre importante est avec Roger Schutz en 1940, lequel est encouragé par ce qui se vit à Grandchamp pour fonder la communauté de Taizé. En 1953, les sœurs adoptent la règle de Taizé que Frère Roger vient d’écrire : « Une constante recherche d’unité harmonise l’être humain, elle accorde la pensée avec les actes, l’être avec l’agir », écrit-il.
En 1954, la rencontre avec les Petites Sœurs de Jésus conduit Grandchamp à créer une fraternité en Algérie. Des fraternités sont aussi ouvertes à Jérusalem et au Liban. Se vivent alors une ouverture aux autres rites chrétiens et aux autres religions. Là aussi la vocation à la réconciliation est vécue.
Ces dernières années Grandchamp s’est internationalisé : les sœurs viennent de Tchéquie, Indonésie, Lettonie, Autriche, Congo, Suède…La diversité se vit dans les langues, les cultures et les âges, pas seulement dans les origines ecclésiales.
Vivre dans l’unité signifie aussi et surtout vivre chaque jour du pardon. C’est en commençant par nous-mêmes qu’un rayonnement peut avoir lieu. Au centre, la prière quatre fois par jour. L’icône de la Trinité qui invite à entrer dans la communion d’amour en Dieu est au centre de la Chapelle. Deux célébrations de l’eucharistie rythment la semaine. C’est là que se vivent le pardon et la réconciliation.
Grâce aux liens avec le Conseil œcuménique des Églises et à l’Institut œcuménique de Bossey, de nombreux chrétiens d’autres Églises ont visité Grandchamp. Récemment une sensibilité aux thèmes de justice et paix, d’écologie se fait jour. Ainsi que sur le dialogue interreligieux.
Actuellement il y a 48 sœurs, dont huit novices. Deux vont faire leur profession à la fin du mois de juillet. 15 sœurs ont moins de 70 ans. Pourtant les forces vives manquent : des volontaires doivent donc aider la communauté, ils vivent aussi la règle « prie et travaille pour qu’il règne ! » Ces volontaires sont plus difficiles à trouver à la suite du Covid.
A cause de cette pauvreté, il n’y a plus de fraternité à l’étranger, sauf une maison d’accueil à Gelterkinden laquelle est animée par trois sœurs et trois compagnonnes et forment une «Weggemeinschaft », une communauté en chemin faite de deux identités différentes: soeurs et bénévoles-amies. En plus un appel est venu de l’Institut de Tantur, près de Jérusalem, pour y être présence de prière et d’écoute. Un autre appel est venu du Carmel Saint Joseph, afin d’accueillir les pèlerins dans un lieu de silence pour y expérimenter la paix du cœur, au lieu du débarquement en Normandie. Enfin le prieur de Taizé demande à Grandchamp si des sœurs pourraient revenir afin d’aider la communauté à écouter les jeunes.
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- La communauté des Dominicaines de Béthanie
Sœur Anna-Benedicta, dominicaine de Béthanie parle du fondateur de cette communauté, le Père Jean Joseph Lataste (France), en 1862. Il a prêché l’évangile à des prostituées en prison et le Saint Esprit l’a convaincu de les appeler tout de suite « mes sœurs ». Il a ensuite fondé une communauté de religieuses, sous le patronage de Marie-Madeleine, avec l’aide d’une autre dominicaine : les Dominicaines de Béthanie. Certaines personnes ont protesté qu’on mélange des « pécheresses » avec des « âmes pures ». La règle de cette communauté veut qu’on garde la discrétion sur la vie avant le couvent.
Elles sont arrivées à 55 dans le couvent de S. Niklausen en 1972. Puis, il y a 12 ans, une alliance a été faite avec la Communauté du Chemin Neuf (CCN). Actuellement elles sont 7 sœurs qui vivent l’office, cinq fois par jour. Chaque communauté garde sa vie propre. Les relations sont très fraternelles et amicales. Trois fois par semaine, les offices sont en commun.
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3. La communauté du Chemin Neuf
Sœur Christa, de la Communauté du Chemin Neuf (CCN), parle d’unité dans la diversité : les sœurs dominicaines sont des contemplatives, alors que la CCN est très active dans l’organisation des retraites. Cette présence discrète et priante des sœurs est une grande grâce. Chaque jour l’adoration est vécue à tour de rôle par celles-ci. Arrivée en 2012 à Bethanien, la CCN a reçu un appel du curé de Sachslen de venir au Ranft pour une présence spirituelle. Nicolas de Flue, homme de paix, inspire l’action de la communauté. Des gens de tous horizons spirituels viennent au Ranft. Chaque session organisée par la CCN passe un moment au Ranft.
Le Père Hasso est prêtre de la CCN et parle des temps de réconciliation dans la communauté. Également de la réconciliation en tant qu’allemand en France et en Pologne, et avec des membres de la communauté juive. Ses deux grands pères étaient membres du parti national-socialiste.
Dans une rencontre internationale en Pologne il a vécu une touchante réconciliation entre juifs, libanais, allemands et polonais. C’était plus que de la réconciliation : une bénédiction réciproque où se dit la vérité.
Sœur Kinga, réformée hongroise, reconnaît que les membres de la CCN sont très différents : chacun garde son identité, mais de manière réconciliée. Y vivent des catholiques, des réformés et des évangéliques. Elle partage comment elle a changé son attitude par rapport à Marie, en particulier avec le Salve Regina chanté chaque soir par les Dominicaines.
La CCN est une communauté charismatique catholique de spiritualité ignacienne, avec une vocation œcuménique, fondée en 1973. Elle a commencé à la montée du « Chemin Neuf » à Lyon et est dispersée aujourd’hui dans une trentaine de pays. Des célibataires et des couples font partie aussi de la communauté. Un accent fort est mis sur la formation, les « Exercices spirituels ». Des responsabilités en paroisse ont aussi été prises. Pour les couples, des « sessions Cana » sont organisées.
Frère Hubert est un membre évangélique de la CCN. Il n’a jamais imaginé qu’il entrerait dans une communauté catholique, alors qu’il était membre de la plus grande Église charismatique en Allemagne. Après 8 ans de cheminement et de discernement, il est entré dans la CCN. Lui aussi a découvert un autre visage de Marie… à Lourdes.
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- Nouvelles
La Fraternité du Bon Samaritain fête ses 20 ans, nous dit Jean-Philippe Calame. Le bon Samaritain, le Christ s’approche de la personne blessée pour la rétablir à travers sa compassion et son pardon. Il nous veut « vivants » et non « demi-vivants ». Certains ont été blessés du fait de la division des Églises qui a divisé leur famille. Le fait que ce ministère soit accompli de manière œcuménique est guérissant. http://www.fraternite-du-bon-samaritain.org
Formation œcuménique pour séminaristes en Espagne. Le P. Fernando a mis en place cette proposition et dit combien le clergé espagnol a besoin de cette formation.
11e assemblée du COE sur le thème « l’amour du Christ mène le monde à la réconciliation et à l’unité », à Karlsruhe. Anne-Laure Danet dit que les Églises françaises vont présenter l’Institut supérieur d’œcuménisme. C’est la première fois que le COE développe le thème de l’amour, « un oecuménisme du cœur ». https://www.oikoumene.org/fr/about-the-wcc/organizational-structure/assembly
Hongrie : l’évêque Philippe Kokcis relate que le pape François, lors de son récent voyage dans ce pays, a pu constater que l’œcuménisme y est vivant. Un projet de pèlerinage œcuménique entre évêques de diverses Églises est actuellement mis en place. https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2021-09/rencontre-pape-francois-eveques-episcopat-hongrie-budapest.html
JC2033 : le pasteur Martin Hoegger présente cette initiative œcuménique à laquelle il collabore. Elle invite à un pèlerinage vers 2033, jubilé des 2000 ans de la résurrection du Christ, en visitant les Églises dans divers pays. L’année dernière un rassemblement œcuménique a eu lieu dans le monastère copte d’Anafora en Egypte. https://jc2033.org/fr/news/blog/524-2021-anafora.html
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J. « Synaxe », le nouveau nom de l’Association
EIIR s’appellera désormais « synaxe ». Selon l’article de Wikipedia, « une synaxe (du grec σύναξις / synaxis) était une réunion de fidèles dans le christianisme primitif et à leur eucharistie. Le mot « synaxe » désigne aujourd’hui, dans l’Église orthodoxe et les Églises catholiques orientales, l’assemblée des croyants qui célèbrent la Divine Liturgie ».
La prochaine rencontre aura lieu dans un pays orthodoxe en 2024.
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Conclusion sous forme d’envoi.
« Je me sens ici comme dans ma famille, comme dans mon monastère ».
« J’ai vécu une grande réconciliation personnelle et j’ai redécouvert que l’œcuménisme n’est pas un choix, mais une manière de vivre ».
« J’ai vécu ici les plus belles liturgies. Je sens maintenant dans mon cœur une grande espérance ».
« Je rentre avec la conviction de l’importance des communautés religieuses et de l’articulation de celles-ci avec les paroisses »
« Mission accomplie : j’ai rechargé mes batteries œcuméniques ».
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La dernière rencontre a été l’occasion de remercier chaleureusement les organisateurs de cette belle semaine, également la Communauté du Chemin neuf qui nous a accueillis.
Un grand merci aussi aux orateurs qui nous ont donné des apports originaux et de qualité ! Le livre retraçant 50 années de rencontres est un grand cadeau. Il témoigne de la vérité de l’inspiration des fondateurs. La présence dynamique des Missionnaires de l’Unité et des sœurs de la Communauté de Grandchamp, chez qui tout a commencé, nous l’a rappelé.
Par le récit de ces 50 ans de fidélité, l’Esprit saint nous a fortifiés et nous pousse en avant. C’est lui qui met en nous le désir de continuer ces rencontres.
Le lieu de cette rencontre, la maison de Bethanien n’est pas seulement splendide, mais il est aussi œcuménique. Et la proximité du Ranft nous a inspirés. Nous avons (re)découvert Frère Nicolas de Flue dont le message de justice et de paix est si actuel.
Œcuménisme du coeur
Voici quelques échos de ce dernier moment. Dans les rencontres de l’EIIR nous nous sommes rendu compte qu’il n’y a pas de supériorité d’une Église sur une autre. L’esprit œcuménique, c’est d’apprendre les uns des autres et surtout du Christ.
Après cette semaine, nous sommes dans l’action de grâce et encouragés à renouveler notre engagement pour l’unité chrétienne, persuadés qu’elle avance autant par la recherche théologique que par la fraternité vécue et la prière partagée. Nous avons vécu un « œcuménisme du cœur ».
L’eucharistie et la prière sont au cœur de la vie de nos communautés et de nos vies. Elles ont aussi été les axes de cette rencontre. Nous avons communié à la beauté de nos liturgies respectives. Ces moments ont été à la fois une grande joie, mais aussi une souffrance, à cause de l’impossibilité d’une communion eucharistique sans restriction. Mais dans notre cœur le désir de l’intercommunion a été vivifié et nous sommes confiants que le travail de l’Esprit saint le fera aboutir.
Les trois Lectio divina ont été des temps beaux et forts. Plusieurs désirent l’introduire dans leur contexte ecclésial. Mettre la Parole de Dieu au centre de nos rencontres dans un esprit d’écoute, de silence, de partage et de prière est une source de communion. La Parole contient une présence réelle et débordante du Christ qui adoucit toute douleur.
Reconnaître notre faiblesse
Certains cheminent depuis de longues années avec « Synaxe », le nouveau nom de notre association. Nous sommes reconnaissants d’avoir accueilli de nouveaux frères et sœurs. Nous désirons aussi nous mettre à l’écoute des plus jeunes pour encore mieux les intégrer.
D’autre part nous constatons que deux autres associations réunissant des religieuses et des religieux poursuivent des buts semblables à la nôtre. Nous reconnaissons notre petitesse et notre faiblesse, car nous sommes peu connus et avons de la peine à communiquer avec les autres communautés religieuses.
« L’œcuménisme réceptif » commence par le constat de nos manques. Nous avons besoin les uns, les unes les autres et de mieux connaître les richesses des autres. Pourquoi ne pas tenter d’associer nos forces ? Cela rejoindrait l’esprit de nos fondateurs, Mgr Emilianos et le Père Hernando qui ont été des hommes libres et ouverts.
Amitié en Christ
Par une réflexion théologique vivante et priante, nous rendons un service pour le chemin œcuménique de toute l’Église. L’atmosphère fraternelle et ouverte a été une grande grâce. Les échanges entre nous et la marche vers le Ranft nous ont encouragés. « Jésus avait des amitiés humaines, car il ne nous aime pas en tas. Dieu préfère chacun », disait le patriarche Athénagoras dans ses entretiens avec Olivier Clément.
Nous avons vécu en effet un bel équilibre entre la vie fraternelle, la prière et la réflexion théologique. Ce climat de prière et de fraternité dans la réflexion nous transforme. Ces trois fils sont à tisser constamment.
Dans ces sources jaillissantes, le Christ vient habiter en nous et parmi nous. Il nous unit et nous tire en avant bien au-delà de ce que nous pourrions imaginer pour nous faire avancer dans notre pèlerinage vers le Père. Qui pourrait nous séparer de son amour et les uns, les unes des autres ?
Prions pour le comité organisateur et son président, et restons en lien par la prière, l’amitié, les moyens de communication et des visites réciproques…dans l’attente de la prochaine rencontre en 2024 !
Compte-rendu par Martin Hoegger – martin.hoegger@gmail.com
Les participants venaient de Suisse, France, Italie, Espagne, Belgique, Allemagne, Roumanie, Hongrie, Bulgarie. Les communautés catholiques étaient franciscaine, bénédictine, cistercienne, dominicaine, grecque catholique, claretaine, saint André, saint Vincent, religieuses de la Providence, religieuses de Soleilmont, Ancelles du Sacré Cœur, Sacrés cœurs de Jésus et de Marie et de l’adoration (Picpus), sœurs des Myrophores.
Communautés protestantes : Grandchamp, Neuendettelsau, Reuilly, Pomeyrol.
Communautés orthodoxes : Patriarcats de Constantinople, de Roumanie et de Bulgarie.
Communautés nouvelles : Bose, Chemin neuf, Focolari, Missionnaires de l’unité, Fraternité du Bon samaritain, Communion de Penouel.
On comptait aussi 3 archevêques, 2 prêtres et un diacre orthodoxes, 1 évêque grec catholique, 4 prêtres catholiques et 3 pasteurs protestants.
E.I.I.R. 50 années de rencontres inter-monastiques. Ed. Orthobel, Bruxelles, 2022
Suite à l’exposé de Mgr Athénagoras, Mgr Job supplie l’assemblée de ne plus jamais utiliser l’expression « grand schisme » au sujet de 1054, car s’il s’était agi d’un « schisme », le Concile de Florence n’aurait jamais pu avoir lieu quatre siècles plus tard, un Concile présidé par le pape de Rome et le patriarche de Constantinople.
Ce qui s’est passé en 1054 a été une « rupture de communion ». Or il y a eu de nombreuses ruptures de communion. Par exemple, il y en a actuellement entre Antioche et Jérusalem et entre Moscou et Constantinople.
A Jérusalem en 1965, l’événement prophétique a été non seulement de lever les anathèmes de 1054, mais aussi de ne plus jamais en parler et de restaurer la communion. Avant d’arriver à la pleine communion, les questions débattues sont celles de la synodalité et de la primauté.
Michel Cornuz, Sœur Minke de Grandchamp. Entretiens. Labor et Fides, 2011.
Avec Noël Ruffieux (orthodoxe) et Shafique Keshavjee, il a publié en 2017 : « Pour que plus rien ne nous sépare » (éd. Cadebita), qui aborde les thèmes problématiques à trois voix.